Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/122

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voyait, il était toujours seul, armé de sa carabine et de ses pistolets, et accompagné de ses quatre chiens corses.

Depuis que Pascal Bruno, en se livrant au nouveau genre de vie qu’il exerçait à cette heure, s’était rapproché de Bauso, l’intendant, qui habitait le petit château de Castel-Novo, dont il régissait les biens au compte de la jeune comtesse Gemma, s’était retiré à Cefalu, de peur qu’enveloppé dans quelque vengeance du jeune homme irrité il ne lui arrivât malheur. Le château était donc resté fermé comme la maison de Giuseppe Bruno, lorsqu’un jour un paysan, en passant devant ses murailles, vit toutes les portes ouvertes et Bruno accoudé à l’une de ses fenêtres.

Quelques jours après, un autre paysan rencontra Bruno : le pauvre diable, quoique sa récolte eût complètement manqué, portait sa redevance à son seigneur ; cette redevance était de cinquante onces, et, pour arriver à amasser cette somme, il laissait sa femme et ses enfans presque sans pain. Bruno alors lui dit d’aller s’acquitter avant tout avec son seigneur, et de revenir le retrouver, lui Bruno, le surlendemain, à la même place. Le paysan continua sa route à moitié consolé, car il y avait dans la voix du bandit, un accent de promesse auquel il ne s’était pas trompé. En effet, le surlendemain, lorsqu’il se trouva au rendez-vous Bruno s’approcha de lui et lui remit une bourse ; cette bourse contenait vingt-cinq onces, c’est-à-dire la moitié de la redevance. C’était une remise qu’à la prière de Bruno, et l’on savait que les prières de Bruno étaient des ordres, le propriétaire avait consenti à faire.

Quelque temps après, Bruno entendit raconter que le mariage d’un jeune homme du village ne pouvait se faire avec une jeune fille que le jeune homme aimait, parce que la jeune fille avait quelque fortune et que son père exigeait que son futur époux apportât à peu près autant qu’elle dans la communauté, c’est-à-dire cent onces. Le jeune homme se désespérait, il voulait s’engager dans les troupes anglaises, il voulait se faire pêcheur de corail, il avait encore-mille autres projets aussi insensés que ceux-là, mais ces projets, au lieu de le rapprocher de sa maîtresse, ne tendaient tous qu’à l’en éloigner. Un jour on vit Bruno descendre de sa