Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/123

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petite forteresse, traverser le village et entrer chez le pauvre amoureux ; il resta enfermé une demi-heure à peu près avec lui, et le lendemain le jeune homme se présenta chez le père de sa maîtresse avec les cent onces que celui-ci exigeait. Huit jours après, le mariage eut lieu.

Enfin, un incendie dévora une partie du village et réduisit à la mendicité tous les malheureux qui avaient été sa victime. Huit jours après, un convoi d’argent, qui allait de Palerme à Messine, fut enlevé, entre Mistretta et Tortorico, et deux des gendarmes qui l’accompagnaient tués sur la place. Le lendemain de cet événement, chaque incendié reçut cinquante onces de la part de Pascal Bruno.

On comprend que, par de pareils moyens, répétés presque tous les jours, Pascal Bruno amassait une somme de reconnaissance qui lui rapportait ses intérêts en sécurité ; en effet, il ne se formait pas une entreprise contre Pascal Bruno, que, par le moyen des paysans, il n’en fût averti à l’instant même, et cela sans que les paysans eussent besoin d’aller au château, ou que Bruno eût besoin de descendre au village. Il suffisait d’un air chanté, d’un petit drapeau arboré au haut d’une maison, d’un signal quelconque enfin, auquel la police ne pouvait rien distinguer, pour que Bruno, averti à temps, se trouvât, grâce à son petit cheval du val de Noto, moitié sicilien, moitié arabe, à vingt-cinq lieues de l’endroit où on l’avait vu la veille et où on croyait le trouver le lendemain. Tantôt encore, comme me l’avait dit Pietro, il courait jusqu’au rivage, descendait dans la première barque venue, et passait ainsi deux ou trois jours avec les pêcheurs qui, largement récompensés par lui, n’avaient garde de le trahir ; alors il abordait sur quelque point du rivage où l’on était loin de l’attendre, gagnait la montagne : faisait vingt lieues dans la nuit, et se retrouvait le lendemain, après avoir laissé un souvenir quelconque de son passage à l’endroit le plus éloigné de sa course nocturne, dans sa petite forteresse de Castel-Novo. Cette rapidité de locomotion faisait alors circuler de singulier bruits : on racontait que Pascal Bruno, pendant une nuit d’orage, avait passé un pacte avec une sorcière, et que, moyennant son âme que le bandit lui avait donnée en retour, elle lui avait donné la pierre qui