Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/125

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ges, dansait avec les plus jolies paysannes, et enlevait tous les prix du fusil aux plus adroits ; enfin, chose incroyable, il s’en allait au spectacle, tantôt à Messine, tantôt à Palerme, sous un déguisement il est vrai ; mais chaque fois qu’il avait fait une escapade de ce genre, il avait le soin de la faire sa voir d’une façon quelconque au chef de la police ou au commandant de la place. Bref, on s’était peu à peu habitué à tolérer Pascal Bruno comme une autorité de fait, sinon de droit.

Sur ces entrefaites, les événemens politiques forcèrent le roi Ferdinand d’abandonner sa capitale et de se réfugier en Sicile : on comprend que l’arrivée du maître, et surtout la présence des Anglais, devaient rendre l’autorité un peu plus sévère ; cependant, comme on voulait éviter, autant que possible, une collision avec Pascal Bruno, auquel on supposait toujours des forces considérables cachées dans la montagne, on lui fit offrir de prendre du service dans les troupes de Sa Majesté avec le grade de capitaine, ou bien encore d’organiser sa bande en corps franc, et de faire avec eux une guerre de partisans aux Français. Mais Pascal répondit qu’il n’avait d’autre bande que ses quatre chiens corses, et que, quant à ce qui était de faire la guerre aux Français, il leur porterait bien plutôt secours, attendu qu’ils venaient pour rendre la liberté à la Sicile comme ils l’avaient rendue à Naples, et que, par conséquent, Sa Majesté, à laquelle il souhaitait toute sorte de bonheur, n’avait que faire de compter sur lui.

L’affaire devenait plus grave par cet exposé de principes ; Bruno grandissait de toute la hauteur de son refus : c’était encore un chef de bande, mais il pouvait changer ce nom contre celui de chef de parti. On résolut de ne pas lui en laisser le temps.

Le gouverneur de Messine fit enlever les juges de Bauso, de Saponara, de Calvaruso, de Rometta et de Spadafora, et les fit conduire à la citadelle. Là, après les avoir fait enfermer tous les cinq dans le même cachot, il prit la peine de leur faire une visite en personne pour leur annoncer qu’ils demeureraient ses prisonniers tant qu’ils ne se rachèteraient pas en livrant Pascal Bruno. Les juges jetèrent les hauts cris,