Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/138

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s’était passée une partie des événemens qui viennent de se développer sous les yeux de nos lecteurs.

Le premier point de notre investigation était la maison paternelle de Pascal : cette maison, dont la porte fermée par lui n’a jamais été rouverte par personne, est empreinte d’un cachet de désolation qui va bien aux souvenirs qu’elle rappelle ; les murs se lézardent, le toit s’affaisse, le volet du premier, décroché, pend à un de ses gonds. Je demandai une échelle pour regarder dans l’intérieur de la chambre par un des carreaux brisés ; mais don César me prévint que ma curiosité pourrait être mal interprétée par les habitans du village et m’attirer quelque mauvaise affaire. Comme cette susceptibilité des Bausiens tenait au fond à un sentiment de piété, je ne voulus le heurter en rien ; et après avoir, tant bien que mal, et pour mes souvenirs particuliers, jeté sur mon album un petit croquis de cette maison, dont les murs avaient enfermé tant de malheurs différens et tant de passions diverses, je repris mon chemin vers le château baronial.

Il est situé à l’extrémité droite de la rue, si l’on peut appeler rue une suite de jardins, ou plutôt de champs et de maisons que rien ne rattache ensemble, et qui montent sur une petite pente. Cependant, il faut le dire, les touffes énormes de figuiers et de grenadiers semés tout le long du chemin, et du milieu desquelles s’élance le jet flexible de l’aloès, donnent à tout ce paysage un caractère particulier qui n’est pas sans charmes : à mesure que l’on monte, on voit, au-dessus des toits d’une rue transversale, apparaître d’abord le sommet fumant de Stromboli, puis les îles moins élevées que lui, puis enfin la mer, vaste nappe d’azur qui se confond avec l’azur du ciel.

Le château baronial, en face duquel s’élève une de ces belles croix de pierre du seizième siècle, pleine de caractère dans sa fruste nudité, est une petite bâtisse à qui ses créneaux donnent un air de crânerie qui fait plaisir à voir. Sur la face qui regarde la croix sont deux cages, ou plutôt, et pour donner une idée plus exacte de la chose, deux lanternes sans verres. L’une de ces deux cages est vide ; c’est celle où était la tête du père de Pascal Bruno,