Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/146

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sans se douter le moins du monde de l’embarras où je me trouvais, continuait à lever son croquis à l’ombre de son parasol. — Je désirerais, continuai-je, qu’un de vos hommes allât me chercher ce mousse que vous apercevez là-bas, près de ce gentilhomme qui peint. Le voyez-vous, là-bas, là-bas, tenez ?

— Parfaitement.

— Il a de bonnes jambes, et, s’il y a trois ou quatre carlins à gagner, j’aime mieux qu’il les gagne qu’un autre.

— Je vais l’envoyer chercher.

— À merveille, maréchal ; dites en même temps qu’on nous monte une bouteille du meilleur muscat, qu’on donne trois bouteilles de syracuse sec à vos hommes, et apportez-moi une plume, de l’encre et du papier.

— À l’instant, Excellence.

Cinq minutes après j’étais servi ; j’écrivis au capitaine :

» Cher capitaine, je suis, faute de passe-port, prisonnier dans l’auberge du Pélican-Rouge à Scylla ; ayez la bonté de m’apporter vous-même le papier qui me manque, afin de pouvoir donner aux autorités calabraises tous les renseignemens, moraux et politiques, qu’elles peuvent désirer sur votre serviteur. »

» GUICHARD.»

Au bout de dix minutes, le mousse était introduit près de moi. Je lui donnai ma lettre, accompagnée de quatre carlins, et recommandai d’aller toujours courant jusqu’à San-Giovanni, et surtout de ne pas revenir sans le capitaine.

Le bonhomme, qui n’avait jamais eu une pareille somme à sa disposition, partit comme le vent. Un instant après je le vis de la fenêtre qui gagnait consciencieusement ses quatre carlins ; il passa près de Jadin au pas gymnastique ; Jadin voulut l’arrêter, mais il lai montra la lettre et continua son chemin

Et Jadin, qui tenait à finir son croquis, se remit à la besogne avec sa tranquillité ordinaire.

Quant à moi, j’entamai avec mon brigadier une conversation morale, scientifique et littéraire, dont il parut on ne peut plus charmé. Cette conversation durait depuis une heure et