Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/147

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demie à peu près, ce qui faisait que si intéressante qu’elle fût, elle commençait à tirer un peu en longueur, lorsque j’aperçus sur la route, non pas le capitaine seul, mais tout l’équipage, qui arrivait au pas de course ; à tout hasard, chacun s’était muni d’une arme quelconque, afin de me délivrer par force si besoin était. Nunzio seul était resté pour garder le bâtiment.

Le groupe fit une halte d’un instant près de Jadin ; pais comme il était infiniment moins instruit de mon aventure que le capitaine qui avait reçu ma lettre, ce fut lui qui se fit interrogateur. Le capitaine alors, pour ne pas perdre de temps, lui remit mon billet et continua sa route ; Jadin le lut, fit un mouvement de tête qui voulait dire : Bon, bon, ce n’est que cela ? mit soigneusement le billet dans une des nombreuses poches de sa veste, afin d’en augmenter sa collection d’autographes, et se remit à piocher.

Cinq minutes après, l’auberge du Pélican-Rouge était prise d’assaut par mon équipage, et le capitaine se précipitait dans ma chambre mon passe-port à la main.

Nous étions devenus si bons compagnons, mon brigadier et moi, qu’en vérité je n’en avais presque plus besoin.

Je n’en fus pas moins enchanté de ne pas avoir à mettre son amitié naissante à une trop rude épreuve ; je lui tendis donc fièrement mon passe-port. Il jeta négligemment les yeux dessus, puis, ouvrant lui-même la porte :

— Son Excellence le comte Guichard est en règle, dit-il, qu’on le laisse passer.

Toutes les portes s’ouvrirent. Moyennant mes deux piastres j’étais devenu comte.

— Dites donc, mon cher maréchal, lui demandai-je, si par hasard je rencontre sur mon chemin le maître de l’hôtel, est-ce que cela vous contrarierait que je l’assommasse ?

— Moi, Excellence ? dit mon brave brigadier, pas le moins du monde, seulement, prenez garde au couteau.

— Cela me regarde, maréchal.

Et je descendis dans la douce espérance de régler mon double compte avec l’aubergiste du Pélican-Rouge ; malheureusement, comme il se doutait sans doute de la chose, ce