Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/154

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ter l’ennuyeux clapotement de la mer, qui dans les mauvais temps se fait sentir jusqu’au milieu du détroit. Chacun se mit à l’œuvre, et au bout d’une heure le speronare, comme une carène antique, était tiré sur le sable du rivage, étayé à droite et à gauche par deux énormes pieux, et orné à son bâbord d’une échelle à l’aide de laquelle on communiquait de son pont à la terre ferme. En outre, une tente fut établie de l’arrière au grand mât, afin que nous pussions nous promener, lire ou travailler à l’abri du soleil et de la pluie. Moyennant ces petites préparations, nous nous trouvâmes avoir une demeure infiniment plus confortable que ne l’eût été la meilleure auberge de San-Giovanni.

Le temps que nous avions à passer ainsi ne devait point être perdu : Jadin avait ses croquis à repasser ; et moi, pendant mes longues rêveries nocturnes sous ce beau ciel de la Sicile, j’avais à peu près arrêté le plan de mon drame de Paul Jones, dont il ne me restait plus que quelques caractères à mettre en relief et quelques scènes à compléter. Je résolus donc de profiter de cette espèce de quarantaine pour achever ce travail préparatoire, qui devait recevoir à Naples son exécution, et dès le soir même je me mis à l’œuvre.

Le lendemain, le capitaine nous demanda pour lui et ses gens la permission d’aller au village de La Pace pendant tout le temps que le vent soufflerait du nord ; deux hommes resteraient constamment à bord pour nous servir et se relayeraient tous les deux jours. La permission fut accordée à ces conditions.

Le vent était constamment contraire, ainsi que l’avait prédit Nunzio ; et cependant le temps, après avoir été deux nuits et un jour à la bourrasque, était redevenu assez beau. La lune était dans son plein et se levait chaque soir derrière les montagnes de la Calabre ; puis elle venait faire du détroit un lac d’argent, et de Messine une de ces villes fantastiques comme en rêve le burin poétique de Martyn. C’était ce moment-là que je choisissais de préférence pour travailler ; et, selon toute probabilité, c’est au calme de ces belles nuits siciliennes que le caractère du principal héros de mon drame a dû le cachet religieux et rêveur qui a, plus