Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/18

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boucles de ses cheveux, dont elle appuyait ensuite l’extrémité mouillée sur son front brûlant.

Je demandai au baron quel événement avait produit cette folie sombre et douloureuse, à laquelle lui-même ne voyait aucun espoir de guérison. Le baron me raconta ce qui suit :

— Costanza (on se rappelle que c’est le nom que le baron avait donné à la jeune folle) était la fille unique du dernier comte de La Bruca ; elle habitait avec lui et sa mère, entre Syracuse et Catane, un de ces vieux châteaux d’architecture sarrasine, comme il en reste encore quelques-uns en Sicile. Mais, quelque isolé que fût le château, la beauté de Costanza ne s’en était pas moins répandue de Messine à Trapani ; et plus d’une fois de jeunes seigneurs siciliens, sous le prétexte que la nuit les avait surpris dans leur voyage, vinrent demander au comte de La Bruca une hospitalité qu’il ne refusait jamais. C’était un moyen de voir Costanza. Ils la voyaient, et presque tous s’en allaient amoureux-fous d’elle.

Parmi ces visiteurs intéressés, passa un jour le chevalier Bruni. C’était un homme de vingt-huit à trente ans, qui avait ses biens à Castro-Giovanni, et qui passait pour un de ces hommes violens et passionnés qui ne reculent devant rien pour satisfaire un désir d’amour, ou pour accomplir un acte de vengeance.

Costanza ne le remarqua pas plus qu’elle ne faisait des autres ; et le chevalier Bruni passa une nuit et un jour au château de La Bruca, sans laisser après son départ le moindre souvenir dans le cœur ni dans l’esprit de la jeune fille.

Il faut tout dire aussi : ce cœur et cet esprit étaient occupés ailleurs. Le comte de Rizzari avait un château situé à quelques milles seulement de celui qu’habitait le comte de La Bruca. Une vieille amitié liait entre eux les deux voisins, et faisait qu’ils étaient presque toujours l’un chez l’autre. Le comte de Rizzari avait deux fils, et le plus jeune de ces deux fils, nommé Albano, aimait Costanza et était aimé d’elle.

Malheureusement, c’est une assez triste position sociale que celle d’un cadet sicilien. A l’aîné est destinée la charge de soutenir l’honneur du nom, et, par conséquent, à l’aîné revient toute la fortune. Cet amour de Costanza et d’Albano, loin de sourire aux deux pères, les effraya donc pour l’ave-