Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/19

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nir. Ils pensèrent que, puisque Costanza aimait le frère cadet, elle pourrait aussi bien aimer le frère aîné ; et le pauvre Albano, sous prétexte d’achever ses études , fut envoyé à Rome.

Albano partit, d’autant plus désespéré que l’intention de son père était visible. On destinait le pauvre garçon à l’état ecclésiastique, et plus il descendait en lui-même, plus il acquérait la conviction qu’il n’avait pas la moindre vocation pour l’Église. Il n’en fallut pas moins obéir : en Sicile, pays en retard d’un siècle, la volonté paternelle est encore chose sainte. Les deux jeunes gens se jurèrent en pleurant de n’être jamais que l’un a l’autre ; mais, tout en se faisant cette promesse, tous deux en connaissaient la valeur. Cette promesse ne les rassura donc que médiocrement sur l’avenir.

En effet, à peine Albano fut-il arrivé à Rome et installé dans son collège, que le comte de La Bruca annonça à sa fille qu’il lui fallait renoncer à tout jamais à épouser Albano, destiné par sa famille à embrasser l’état ecclésiastique ; mais qu’en échange, et par manière de compensation, elle pouvait se regarder d’avance comme l’épouse de don Ramiro, son frère aîné.

Don Ramiro était un beau jeune homme de vingt-cinq à vingt-huit ans, brave, élégant, adroit à tous les exercices du corps, et à qui eût rendu justice toute femme dont le cœur n’eût point été prévenu en faveur d’un autre. Mais l’amour est aussi aveugle dans son antipathie que dans sa sympathie. Costanza, a toutes ces brillantes qualités, préférait la timide mélancolie d’Albano ; et, au lieu de remercier son père du choix qu’il s’était donné la peine de faire pour elle, elle pleura si fort et si longtemps, que, par manière de transaction, il fut convenu qu’elle épouserait don Ramiro, mais aussi l’on arrêta que ce mariage ne se ferait que dans un an.

Quelque temps après celte décision prise, le chevalier Bruni fit la demande de la main de Costanza dans les formes les plus directes et les plus positives ; mais le comte de La Bruca lui répondit qu’il était à son grand regret obligé de refuser l’honneur de son alliance, attendu que sa fille était promise au fils aîné du comte Rizzari, et que l’on attendait