Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/257

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nuages épais et obscurs qui planaient lentement sur la ville, et qu’un fort vent de nord-ouest eut bientôt dissipés. Les oiseaux parurent voler çà et là comme : égarés dans leur route ; les animaux domestiques furent frappés d’une agitation remarquable ; les uns prenaient la fuite, les autres demeuraient immobiles à leur place et comme frappés d’une secrète terreur. Les chevaux hennissaient et tremblaient sur leurs jambes, les écartaient l’une de l’autre pour s’empêcher de tomber ; les chiens et les chats, recourbés sur eux-mêmes, se blottissaient aux pieds de leurs maîtres. Tant de tristes présages, tant de signer extraordinaires auraient dû éveiller les soupçons et la crainte dans l’âme des malheureux habitans, et les porter à prendre la fuite ; leur destinée en ordonna autrement : chacun resta chez soi sans éviter ni prévoir le danger. En un clin d’œil la terre, encore tranquille, vacilla sur sa base ; un sourd et long murmure parut sortir de ses entrailles ; bientôt ce murmure devint un bruit horrible : trois fois la ville fut soulevée fort au-dessus de son niveau ordinaire, trois fois elle fut entraînée à plusieurs pieds au-dessous ; à la quatrième, elle n’existait plus. » Sa destruction n’avait point été uniforme, et d’étranges épisodes signalèrent cet événement. Quelques-uns des quartiers de la ville furent subitement arrachés à leur situation naturelle ; soulevés avec le sol qui leur servait de base, les uns furent lancés jusque sur les bords du Soli et du Marro, qui baignaient les murs de la ville, ceux-là à trois cents pas, ceux-ci à six cents de distance ; d’autres furent jetés çà et là sur la pente de la montagne qui dominait la ville, et sur laquelle celle-ci était construite. Un bruit plus fort que celui du tonnerre, et qui, à de courts intervalles, laissait à peine entendre des gémissemens sourds et confus ; des nuages épais et noirâtres qui s’élevaient du milieu des ruines, tel fut l’effet général de ce vaste chaos, où la terre et la pierre, l’eau et le feu, l’homme et la brute, furent jetés pêle-mêle ensemble, confondus et broyés.

» Un petit nombre de victimes échappa cependant à la mort ; et ce qu’il y a de plus étrange, c’est que cette même nature, qui semblait si avide du sang de tous, sauva ceux-ci de sa propre rage par des moyens si inouïs et si forts,