Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rêtés pour nous apparaître avec le vague, la mélancolie et le charme que répandent sur eux la distance, la vapeur et la nuit.

On comprendra donc facilement qu’aussitôt, et même avant la fin du dîner, je me levai et fis signe à Pietro de me suivre. Nous allâmes nous asseoir à l’avant du bâtiment et, tendant la main vers l’horizon, je lui montrai sur les côtes de la Calabre Palma, qui se dorait aux derniers rayons du soleil.

— Oui, oui, me dit-il, je vous comprends, et je n’ai même rien mangé de peur que mon dîner ne m’étouffe en vous racontant ce qui me reste à vous dire, parce que c’est le plus triste, voyez-vous.

— Vous en étiez à l’évanouissement du capitaine.

— Oh ! il ne fut pas long, la fraîcheur de la nuit le fit bientôt revenir. Nous arrivâmes sur les quatre heures au village ; le même matin, Antonio se confessa ; huit jours après, il fit dire une messe, et au bout d’un an, comme je vous l’ai raconté, il épousa sa cousine Francesca.

— N’avait-il pas revu Giulia pendant cet Intervalle ?

— Non, mais il avait souvent entendu parler d’elle. Depuis l’aventure du coup de couteau, elle était devenue encore plus errante et plus solitaire qu’auparavant ; et on disait qu’elle aimait le capitaine : vous jugez bien l’effet que ça lui fit quand il la rencontra près du lac, et qu’il n’est pas étonnant qu’il soit revenu de son entrevue avec elle si pâle et si effaré.

Il faut vous dire qu’au moment de se marier, le capitaine allait faire un petit voyage ; nous devions transporter à Lipari une cargaison d’huile de Calabre, et le capitaine avait retardé sa traversée afin de pouvoir charger en repassant de la passoline à Sromboli ; de cette manière il n’y avait rien de perdu, ni allée ni retour, et il avait profité du moment qu’il avait à lui pour se marier avec sa cousine qu’il aimait depuis long-temps.

Trois ou quatre jours après sa rencontre avec Giulia, il me fit venir.

— Tiens, Pietro, me dit-il, va-t-en a Palma à ma place, tu t’entendras avec monsieur Piglia sur le jour où l’huile sera