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15 centimes le Numéro
30 Avril 1859
No 15

LE CAUCASE
JOURNAL DE VOYAGES ET ROMANS
PARAISSANT TOUS LES JOURS

Nous commençons notre publication par le voyage d’ALEXANDRE DUMAS au Caucase.
Cette première publication de notre Journal, entièrement inédite, sera complète en trente numéros pour lesquels on s’abonne chez Jaccottet, rue Lepelletier, 31, et pour la vente, chez Delavier, rue Notre-Dame-des-Victoires, 11.

Cette descente enragée, que nous eussions dû accomplir en deux heures, fut accomplie en cinquante minutes ; nous nous rapprochions de la plaine avec une vélocité qui n’avait d’égale que notre satisfaction. Enfin nous nous trouvâmes à peu près de plain-pied avec le fond de la vallée, ayant, au lieu du serpent dont nous venions de suivre tous les détours, une longue ligne droite qui aboutissait aux premières maisons d’Axous. Tout à coup, au moment où nous nous croyions complétement tirés d’affaire, notre hiemchick se mit à crier à Kalino, assis près de lui sur le siège :

— Prenez les rênes et conduisez, je perds la tête, je perds la tête.

Nous ne comprenions rien à ce que disait notre hiemchick ; seulement nous voyions s’accomplir une pantomime des plus inquiétantes.

Nos chevaux, au lieu d’enfiler par un angle obtus la ligne droite qui se présentait devant eux, continuaient leur course en diagonale, laquelle les conduisait droit à un fossé dans lequel on descendait par une pente inclinée comme un toit.

Kalino saisit les rênes des mains de l’hiemchick, mais il était trop tard.

Puis, de son côté, il avait quelque peu perdu la tête.

Ce qui se passa fut rapide comme l’éclair.

L’hiemchick disparut le premier ; il glissa ou plutôt s’abîma et disparut entre les chevaux.

Kalino, au contraire, fut lancé en l’air ; la tarantasse avait rencontré un rocher.

Ce rocher jeta Moynet hors de la voiture, mais douillettement, coquettement, sur une jolie couche d’herbe détrempée par un petit ruisseau.

Quant à moi, j’eus la chance de m’accrocher des deux mains