Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/240

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— Ce que je ferai ?

— Oui.

— Le voici. Je l’irai trouver, comme je vous le disais ; je lui raconterai les liens qui m’unissent à mademoiselle Valentine ; si c’est un homme délicat, il prouvera sa délicatesse en renonçant de lui-même à la main de sa fiancée, et mon amitié et mon dévouement lui sont de cette heure acquis jusqu’à la mort ; s’il refuse, soit que l’intérêt le pousse, soit qu’un ridicule orgueil le fasse persister, après lui avoir prouvé qu’il contraindrait ma femme, que Valentine m’aime et ne peut aimer un autre que moi, je me battrai avec lui, en lui donnant tous les avantages, et je le tuerai ou il me tuera ; si je le tue, il n’épousera pas Valentine ; s’il me tue, je serai bien sûr que Valentine ne l’épousera pas.

Noirtier considérait avec un plaisir indicible cette noble et sincère physionomie sur laquelle se peignaient tous les sentiments que sa langue exprimait, en y ajoutant par l’expression d’un beau visage tout ce que la couleur ajoute à un dessin solide et vrai.

Cependant, lorsque Morrel eut fini de parler, Noirtier ferma les yeux à plusieurs reprises, ce qui était, on le sait, sa manière de dire non.

— Non ? dit Morrel. Ainsi vous désapprouvez ce second projet, comme vous avez déjà désapprouvé le premier ?

— Oui, je le désapprouve, fit le vieillard.

— Mais que faire alors, monsieur ? demanda Morrel. Les dernières paroles de madame de Saint-Méran ont été pour que le mariage de sa petite-fille ne se fît point attendre : dois-je laisser les choses s’accomplir ?

Noirtier resta immobile.

— Oui, je comprends, dit Morrel, je dois attendre.