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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/52

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Monte-Cristo en avait assez vu. Chaque homme a sa passion qui le mord au fond du cœur, comme chaque fruit son ver ; celle de l’homme au télégraphe, c’était l’horticulture. Il se mit à cueillir les feuilles de vigne qui cachaient les grappes au soleil, et se conquit par là le cœur du jardinier.

— Monsieur était venu pour voir le télégraphe ? dit-il.

— Oui, monsieur, si toutefois cela n’est pas défendu par les règlements.

— Oh ! pas défendu le moins du monde, dit le jardinier, attendu qu’il n’y a rien de dangereux, vu que personne ne sait ni ne peut savoir ce que nous disons.

— On m’a dit, en effet, reprit le comte, que vous répétiez des signaux que vous ne compreniez pas vous-même.

— Certainement, monsieur, et j’aime bien mieux cela, dit en riant l’homme du télégraphe.

— Pourquoi aimez-vous mieux cela ?

— Parce que, de cette façon, je n’ai pas de responsabilité. Je suis une machine, moi, et pas autre chose, et pourvu que je fonctionne, on ne m’en demande pas davantage.

— Diable ! fit Monte-Cristo en lui-même, est-ce que par hasard je serais tombé sur un homme qui n’aurait pas d’ambition ? Morbleu ! ce serait jouer de malheur.

— Monsieur, dit le jardinier en jetant un coup d’œil sur son cadran solaire, les dix minutes vont expirer, je retourne à mon poste. Vous plaît-il de monter avec moi ?

— Je vous suis.

Monte-Cristo entra, en effet, dans la tour divisée en trois étages ; celui du bas contenait quelques instruments aratoires, tels que bêches, râteaux, arrosoirs, dressés contre la muraille : c’était tout l’ameublement.