Page:Dumas - Le Salteador.djvu/13

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loès, rien, pas même le palais que le pieux Charles-Quint avait commencé de faire bâtir pour ne pas habiter la demeure des émirs et des califes, et qui, dominé par l’Alhambra, n’a jamais, sous l’œil moqueur de son rival, pu s’élancer au delà d’un étage.

C’est en embrassant toutes ces merveilles d’un art et d’une civilisation auxquels n’atteindront jamais ses habitants actuels, que le royaume de Grenade, dernier débris et dernière forme de l’empire arabe en Espagne, s’allongeait sur les bords de la Méditerranée, de Tarifa à Almazarron, c’est-à-dire sur une longueur de cent vingt-cinq lieues à peu près, et s’enfonçait dans l’intérieur des terres de Motril à Jaën, c’est-à-dire dans une profondeur de trente-cinq à quarante.

La sierra de Guaro et la sierra Nevada le coupaient dans les deux tiers de son étendue.

Du sommet du Mulahacen, son pic le plus élevé, le regard pouvait à la fois atteindre sa double limite.

Au midi, la Méditerranée, vaste nappe bleue, étendue d’Almunecar à Alger ; au nord, la vega de Grenade, immense tapis vert, déroulé de Huelma à la venta de Cardeñas.

Puis, à l’est et à l’ouest, le prolongement indéfini de la chaîne immense aux cimes neigeuses, dont chaque crête semble la vague subitement gelée d’un océan soulevé contre le ciel.

Enfin, sur un plan inférieur, à droite et à gauche de cette mer de glace, un double océan de montagnes dégénérant peu à peu en collines couvertes d’abord de lichens poudreux, puis de bruyères rougeâtres, puis de