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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

» Les princes ou les grands ne consommaient de mariages ou ne recevaient les premières faveurs d’une maîtresse qu’après avoir subi cette opération préalable.

» La nouvelle du fait passa dans le moment de la chambre dans le reste du palais, et l’on ne douta plus du mariage du duc d’Orléans avec madame de Montesson, contrarié par tant d’intérêts et d’incidents.

» Le duc d’Orléans vécut depuis son mariage dans la plus grande intimité avec son épouse. Elle lui rendit entièrement les honneurs qui étaient dus au premier prince du sang.

» Elle l’appelait monseigneur en public et parlait avec respect aux princesses du sang, leur accordant le pas et les préséances d’usage, en entrant, ou en sortant, et pendant leurs visites dans les grands appartements du Palais-Royal.

» Elle conservait le nom de veuve de M. de Montesson ; mais elle était appelée de son mari madame de Montesson, ou simplement madame, ou quelquefois ma femme, suivant les circonstances. Il l’appelait de cette manière, lorsqu’il était avec ses amis. Le soir, en quittant la compagnie, on lui entendait dire souvent :

» — Ma femme, irons-nous bientôt nous coucher ?

» Le caractère excellent de madame de Montesson fit longtemps le bonheur de ce prince et son propre bonheur.

» Elle s’occupait de musique et des chasses dont elle partageait les plaisirs avec le prince. Elle avait un théâtre dans l’hôtel qu’elle habitait à la Chaussée-d’Antin, théâtre sur lequel elle jouait avec lui.

» Le duc d’Orléans, né bonhomme et naïf, réussissait dans les rôles de paysan, et madame de Montesson dans ceux de bergère et d’amante.

» Feu madame la duchesse d’Orléans avait prostitué cette maison au point que les dames n’y venaient qu’avec des réserves étudiées et suivies. Madame de Montesson y rétablit le bon ton, la dignité, rouvrit la porte aux plaisirs délicats et ranima le goût des arts, du bel esprit, et y ramena souvent la gaieté et la bonhomie. »

Ce château de Villers-Cotterets, dans lequel Soulavie raconte