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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

grande attente. M. d’Orléans, parti sans proférer le mot mariage, avait emporté la clef des secrets de la journée.

» Le soir, on le vit rentrer au salon de compagnie, qui était très-nombreux, tenant par la main madame de Montesson, sur laquelle se réunirent tous les regards. 

» La modestie était le plus beau de ses ornements. Toute la compagnie fut touchée du premier instant d’embarras.

» Le marquis de Valençay alla vers elle, et, la traitant avec les manières et les égards dus à une princesse du sang, il fit les honneurs de la maison en homme initié dans les mystères de la matinée.

» L’heure du coucher arriva.

» Il était d’usage, chez le roi et dans la maison des princes, que le seigneur le plus qualifié, recevant du valet de chambre la chemise, la présentât au prince, quand il se couchait : à la cour, le premier prince du sang avait les prérogatives de la donner au roi ; chez lui, il la recevait du premier chambellan.

» Il est dit, dans une lettre de madame de Sévigné du 17 janvier 1680, que, « dans les mariages de la famille royale, les nouveaux époux étaient couchés et les chemises données par le roi et par la reine. Quand Louis XIV l’eut donnée à M. le prince de Conti et la reine à la princesse, le roi l’embrassa tendrement quand elle fut au lit et la pria de ne rien contester à M. le prince de Conti, mais d’être obéissante et douce. »

» Au mariage de M. le duc d’Orléans, la cérémonie de la chemise eut lieu de cette sorte. D’abord un moment d’embarras la précéda ; le duc d’Orléans et le marquis de Valençay temporisèrent quelque temps, d’un côté avant de la demander, de l’autre avant de la recevoir.

» Il y avait dans M. d’Orléans l’aimable retenue d’un homme modéré dans les jouissances les plus pures.

» Valençay enfin la présenta au prince, qui, en se dépouillant de celle de la journée, jusqu’à la ceinture, offrit à toute la compagnie le spectacle d’une épilation complète suivant les règles de la plus brillante galanterie du temps.