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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Au reste, en arrivant à Rovigo, capitale de son nouveau gouvernement, mon père trouva une réception pareille aux adieux qui l’avaient accompagné à son départ. Les habitants de la Polésine avaient été prévenus par ceux du Trévisan, et savaient d’avance à quoi s’en tenir sur leur nouveau gouverneur.

C’était dans la Polésine, pays fertile en grains, province riche en fourrages, que Bonaparte avait réuni les escadrons de cavalerie dont il voulait former une division, et qu’il chargeait mon père d’organiser.

À son arrivée, mon père régla, comme il l’avait fait dans le Trévisan, la dépense de sa table et de sa maison à cent francs par jour, ordonnant expressément aux municipalités de n’autoriser aucune fourniture et de ne répondre à aucune réquisition sans son approbation.

Mon père habitait depuis quelque temps Rovigo, lorsque, les négociations du congrès traînant en longueur, Bonaparte, pour en finir, résolut de réunir son armée et de se porter sur le Tagliamento. Mon père rejoignit donc sa division et demeura sur le fleuve jusqu’au 18 octobre 1797, époque à laquelle la paix fut signée au village de Campo-Formio.

Huit jours après, mon père revenait à Rovigo.

Par cette paix de Campo-Formio, qui terminait la campagne de 1797, campagne dans laquelle l’expédition du Tyrol faite par mon père et Joubert tient une si glorieuse place, l’Autriche cédait à la France la Belgique avec Mayence, Mannheim et Philipsbourg, et à la république cisalpine la Lombardie autrichienne.

Les États de Venise étaient partagés.

Corfou, Zante, Céphalonie, Sainte-Maure, Cerigo et les îles dépendantes, avec l’Albanie, étaient cédées à la France. L’istrie, la Dalmatie, les îles de l’Adriatique, la ville de Venise et les États de terre ferme jusqu’à l’Adige, au Tarano et au Pô, étaient abandonnés à l’empereur d’Autriche, qui se trouvait ainsi maître du golfe Adriatique.

Le reste des États de terre ferme était donné à la république cisalpine, reconnue par l’empereur.