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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

À peine avait-il eu le temps de voir mon père ; mais, dans ce peu de temps, il lui avait dit :

— Venez me voir demain matin d’aussi bonne heure que vous voudrez.

À six heures du matin, le lendemain, mon père traversait la place d’armes pour se rendre chez Bonaparte, quand il rencontra Dermoncourt.

— Où diable allez-vous donc si matin, général ? demanda celui-ci.

— Viens avec moi, lui répondit mon père, et tu le sauras.

Tous deux se mirent en route.

En approchant du lieu de la destination :

— Ce n’est pas chez Bonaparte que vous allez, général ? demanda Dermoncourt.

— Si fait.

— Mais il ne vous recevra pas.

— Pourquoi donc ?

— Parce qu’il est de trop bonne heure.

— Oh ! cela ne fait rien.

— Vous le trouverez couché.

— C’est probable.

— Couché avec sa femme : il l’aime comme un bourgeois.

— Tant mieux ! Cette bonne Joséphine, je serai heureux de la revoir.

Et mon père entraîna Dermoncourt, moitié désireux, moitié craintif de voir ce qui allait se passer.

En somme, il se doutait bien que mon père avait audience particulière. Il le suivit.

En effet, mon père prit un escalier, suivit un couloir, ouvrit une petite porte, poussa un paravent et se trouva, avec Dermoncourt qui le suivait toujours, dans la chambre de Bonaparte.

Celui-ci était couché avec Joséphine, et, comme il faisait très-chaud, tous deux n’étaient couverts que d’un seul drap qui dessinait leurs corps.