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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Kléber à Bonaparte, et vous supprimez le cadre d’or qui enferme cette grande expédition d’Égypte, la plus folle et la plus inutile des expéditions, si elle n’en est pas la plus gigantesque et la plus poétique.

Cependant, une abondance relative dans les vivres avait succédé à la famine, et faisait oublier momentanément aux soldats, rentrés dans un certain bien-être matériel, les souffrances du commencement de la campagne. Malheureusement, en échange, le numéraire manquait absolument.

Ce fut alors que Bonaparte écrivit à Kléber la lettre suivante, qui doit prendre date avant celle que nous venons de citer, et qui va nous servir à expliquer cette fameuse insurrection du Caire, dans la répression de laquelle mon père joua le principal rôle.

Bonaparte, général en chef, au général de division Kléber,

« Au quartier général du Caire,
le 9 thermidor an vi.xxxxxxx

» Nous avons au Caire, citoyen général, une très-belle monnaie. Nous avons besoin de tous les lingots que nous avons laissés à Alexandrie, en échange de quelque numéraire que les négociants nous ont donné. Je vous prie donc de faire réunir les négociants auxquels ont été remis lesdits lingots, et de les leur redemander. Je leur donnerai en place des blés et du riz, dont nous avons une quantité immense. Notre pauvreté en numéraire est égale à notre richesse en denrées, ce qui nous oblige absolument à retirer du commerce le plus de lingots et d’argent que nous pouvons, et à donner en échange des denrées.

» Nous avons essuyé plus de fatigues que beaucoup de gens n’avaient le courage d’en supporter. Mais, dans ce moment-ci, nous nous reposons au Caire, qui ne laisse pas de nous offrir beaucoup de ressources : toutes les divisions y sont réunies.

« L’état-major vous aura instruit de l’événement militaire qui a précédé notre entrée au Caire… Il a été assez brillant :