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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

préceptes exposés par lui à son collègue, le chevalier Riocca, ministre du roi de Piémont.

Je laisserai mon père lui-même raconter cette terrible captivité, et, après quarante-cinq ans, une voix sortira du tombeau, qui, comme celle du père d’Hamlet, dénoncera au monde le crime et les meurtriers.


XIV


Rapport fait au gouvernement français par le général de division Alexandre Dumas, sur sa captivité à Tarente et à Brindes, ports du royaume de Naples.

« Parti du port d’Alexandrie, dans la soirée du 17 ventôse an vii, sur le bâtiment la Belle-Maltaise, avec le général Manscourt, le citoyen Dolomieu et beaucoup d’autres Français, militaires ou employés de l’armée d’Égypte, tous munis de congés du général Bonaparte, j’espérais, à la faveur d’un vent favorable et grâce à la renommée d’excellent voilier qu’avait notre bâtiment, échapper à la flotte anglaise, et arriver en dix ou douze jours dans un port de France. Cet espoir était d’autant mieux fondé que le capitaine maltais qui la commandait — ce capitaine se nommait Félix — m’avait assuré qu’avec quelques réparations de peu d’importance, son navire pouvait tenir la mer dans les plus mauvais temps. Nous avions débattu ensemble le prix de ces réparations : il était fixé à soixante louis, je lui en avais donné cent. J’avais donc tout lieu de croire que ces réparations avaient été consciencieusement faites ; malheureusement, il n’en était rien.

» Il faut dire aussi qu’à peine sortis du port, la mer se déclara contre nous. Dès la première nuit, un grand vent nous assaillit, et, quand, le lendemain, après une nuit de tempête, le jour parut, nous nous aperçûmes que notre bâtiment faisait eau.

» Nous étions déjà à quarante lieues d’Alexandrie ; il nous était impossible, vu le vent contraire, de remettre le cap sur