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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

d’alliance entre la France et la Sardaigne était un acte politique à respecter. N’a-t-il pas été dicté par la force oppressive du vainqueur ? n’a-t-il pas été accepté sous l’empire de la nécessité ? De pareils traités ne sont que des injustices du plus fort à l’égard de l’opprimé, qui, en les violant, s’en dédommage à la première occasion que lui offre la faveur de la fortune.

» Quoi ! en présence de votre roi prisonnier dans sa capitale, entouré de baïonnettes ennemies, vous appelleriez parjure de ne point tenir les promesses arrachées par la nécessité, désapprouvées par la conscience ? vous appelleriez assassinat l’extermination de vos tyrans ? Non, les bataillons français, pleins de confiance et de sécurité dans la paix, sont disséminés dans le Piémont ; excitez le patriotisme et la fureur, de sorte que tout Piémontais aspire à abattre à ses pieds un ennemi de la patrie. Les meurtres partiels profiteront plus au Piémont que des victoires remportées sur le champ de bataille, et jamais la postérité équitable ne donnera le nom de trahison à ces actes énergiques de tout un peuple, qui passe sur les cadavres de ses oppresseurs pour reconquérir sa liberté… Nos braves Napolitains, sous la conduite du brave général Mack, donneront les premiers le signal de mort contre l’ennemi des trônes et des peuples, et peut-être seront-ils déjà en marche quand cette lettre vous parviendra. »

Or, c’était aux mains d’un gouvernement qui écrivait de pareilles lettres que mon père, général républicain, quittant l’Égypte à cause de son dévouement à la République, qu’il voyait menacée par l’ambition de Bonaparte, allait tomber, et dans quel moment ? Au moment où battu de tous côtés par une poignée de Français, chassé de son royaume du continent, le chef de ce gouvernement était forcé de se retirer à Palerme, avec ce cortège de haines, de colères et de vengeances qui accompagnent les défaites et conseillent aux vaincus les résolutions désespérées et fatales.

Aussi, allons-nous voir le prince Belmonte-Pignatelli mettre en pratique, sur mon père et ses malheureux compagnons, les