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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tion qui fût mise à notre débarquement était de faire quarantaine.

» Cette condition allait d’elle-même. Personne de nous ne songea à la combattre, et nous nous réjouîmes de cet heureux dénoûment à une situation si précaire.

» Entrés dans le port, on nous fit descendre les uns après les autres et fouiller par quatre capitaines napolitains, dont les bâtiments avaient été brûlés devant Alexandrie, et à qui j’avais donné passage sur la Belle-Maltaise, par pure humanité.

« Ce premier traitement nous parut étrange. Cependant nous étions si loin de concevoir des soupçons, que nous l’attribuâmes à la rigueur des lois sanitaires, et que nous ne fîmes aucune résistance à ce qu’il s’exécutât.

» À la suite de cette visite, on nous entassa confusément, généraux, officiers, passagers, matelots, dans une chambre si étroite, que personne de nous n’osa, en se couchant, empiéter sur les droits de son voisin.

» Nous passâmes ainsi le reste de la journée et la nuit. »

Le lendemain, on mit à terre ce qui restait de nos effets et de nos équipages, et l’on s’empara de nos lettres, de nos papiers et de nos armes.

» Mes deux chevaux ne furent pas oubliés dans la confiscation, quoique pendant deux mois on m’en fit payer la nourriture, en me laissant croire qu’ils me seraient rendus.

» Quarante-huit heures s’écoulèrent encore, pendant lesquelles nous demeurâmes entassés dans notre chambre. Enfin, le troisième jour, sur mes réclamations et à prix d’argent, on nous donna, au général Manscourt, à Dolomieu et à moi, une chambre particulière pour y achever notre quarantaine.

» Sur ces entrefaites, on nous annonça la visite du fils du roi de Naples.

» Introduite près de nous, l’altesse royale s’informa de la santé des généraux Bonaparte et Berthier, et de la situation de l’armée d’Égypte.

» Puis elle nous quitta brusquement sans nous dire adieu.