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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

» Ces étranges façons, jointes au mauvais italien qu’il parlait, nous donnèrent quelques doutes sur son identité.

» Huit jours après, les membres du gouvernement vinrent nous annoncer que, par l’ordre du prince François, nous étions déclarés prisonniers de guerre.

» Nous ne nous étions pas trompés.

» Voici ce qu’était ce prétendu prince François :

» Quatre aventuriers corses avaient résolu de soulever les populations en faveur des Bourbons ; mais, connaissant la lâcheté proverbiale du prince François, ils résolurent d’agir en son nom.

» L’un d’eux devait se donner pour lui.

» C’était un nommé Corbara, vagabond sans aveu, mais brave.

» Les autres, qui se nommaient de Cesare, Boccheciampe et Colonna, devaient passer : Colonna, pour le connétable du royaume ; Boccheciampe, pour le frère du roi d’Espagne ; et de Cesare, pour le duc de Saxe.

» Maintenant, qu’étaient ces hommes qui prenaient ces titres pompeux ?

» De Cesare, un ancien domestique à livrée ;

» Boccheciampe, un ancien soldat d’artillerie, déserteur ;

» Et Colonna, une espèce de vagabond, comme Corbara, son ami et son compatriote.

» C’était à Montjari, dans la maison de l’intendant Girunda, que toute cette comédie avait été nouée.

» Girunda, qui, en sa qualité d’intendant, était censé connaître l’héritier de la couronne, avait, lui, pour mission de précéder les quatre aventuriers en les annonçant sous les divers noms et les différents titres qu’ils avaient pris.

» Grâce à ces précautions, le voyage des faux princes fut un triomphe, et, devant eux, derrière eux, autour d’eux, toute la province se souleva.

» En attendant, le prétendu prince François agissait en dictateur, cassant des magistrats, nommant des gouverneurs de ville, levant des contributions, et tout cela, il faut l’avouer, plus intelligemment peut-être et à coup sûr plus