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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

pouces de long. Tu vois que, s’il continue à grandir à l’extérieur comme il a fait à l’intérieur, il promet d’atteindre une assez belle taille.

» Ah çà ! tu sauras une chose : c’est que je compte sur toi pour être parrain. Ma fille aînée, qui t’envoie mille tendresses au bout de ses petits doigts noirs, sera ta commère. Viens vite, quoique le nouveau venu en ce monde ne paraisse pas avoir envie d’en sortir de sitôt ; viens vite, car il y a longtemps que je ne t’ai vu, et j’ai une bonne grosse envie de te voir.

» Ton ami,xxxxxxxxxx
» Alex. Dumas.

» P.-S. Je rouvre ma lettre pour te dire que le gaillard vient de pisser par-dessus sa tête. C’est de bon augure, hein ! »

Qu’on passe quelque chose à l’amour-propre de mon père. Il avait tant désiré ce garçon, depuis dix ans qu’il était marié, qu’il crut que sa naissance, comme celle d’Auguste, devait être précédée, accompagnée et suivie de présages dignes d’intéresser le monde.

En tout cas, ces présages, si satisfaisants pour mon père, parurent, à ce qu’il paraît, moins positifs à Brune ; car voici la lettre qu’il lui répondit, poste pour poste, comme on voit :

Au général Dumas.
« Paris, le 10 thermidor an x de la République.

» Mon cher général, un préjugé que j’ai m’empêche de me rendre à tes désirs. J’ai été parrain cinq fois, mes cinq fillots sont morts ! Au décès du dernier, j’ai promis de ne plus nommer d’enfants. Mon préjugé te paraîtra peut-être fantasque. Mais je serais malheureux d’y renoncer. Je suis ami de ta famille, et cette qualité m’autorise à compter sur ton indulgence. Il m’a fallu être bien ferme dans ma résolution pour refuser le compérage avec ta charmante fille. Fais-lui agréer mes re-