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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

grets ainsi qu’à ta charmante femme, et agrée l’assurance de mon sincère attachement.

» Brune.

» P.-S. Je te fais passer quelques boîtes pour la petite marraine et sa maman. »

Malgré ce premier refus et les craintes qu’il exprimait, mon père insista. Je ne connais pas la seconde lettre ; mais sans doute les présages s’étaient succédé plus heureux encore et plus convaincants que les premiers, car, de cette insistance de mon père, il résulta un mezzo termine : c’est que Brune ne me tiendrait pas de sa personne sur les fonts de baptême, mais que mon père, muni d’une procuration en bonne forme, m’y tiendrait en son lieu et place.

Quant à la commère, à laquelle cette cérémonie avait déjà valu force bonbons, et devait en valoir davantage encore ; et qui, par conséquent, s’en faisait une fête, rien ne fut changé à son endroit.

Brune, par procuration, et Aimée-Alexandrine Dumas, ma sœur, âgée alors de neuf ans, furent donc mes parrain et marraine.

Au moment du départ pour l’Égypte ; il avait été convenu, on s’en souvient, que, si jamais ma mère mettait au monde un garçon, les parrain et marraine du susdit garçon devaient être Bonaparte et Joséphine. Mais les choses étaient tellement changées depuis ce temps, que mon père n’eut pas même l’idée de rappeler au premier consul la promesse du général en chef.

Bonaparte — et il l’a prouvé cruellement à ma mère — n’était pas de ces Louis XII qui oublient les haines du duc d’Orléans.

La première lueur qui se répand dans cette première obscurité de ma vie pour y éclairer un souvenir date de l’année 1805. Je me rappelle la topographie partielle d’un petit château que nous habitions et qui s’appelait les Fossés.

Cette topographie se borne à la cuisine et à la salle à man-