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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

nétablie. Élevé à Saint-Domingue, où il n’y avait aucun tribunal de maréchaux, il n’était pas au courant des pratiques de l’institution.

— Pardon, monsieur, dit-il au garde : vous venez de m’annoncer, je crois, que vous vous attachiez à ma personne ?

— J’ai eu cet honneur, monsieur, répondit le garde.

— Voudriez-vous avoir la bonté de m’expliquer ce que cela veut dire ?

— Cela veut dire, monsieur, que, de ce moment à celui où le tribunal du point d’honneur aura décidé de votre affaire, je ne vous quitterai plus.

— Vous ne me quitterez plus ?

— Non, monsieur.

— Comment, vous allez me suivre ?

— Oui, monsieur.

— Partout où j’irai ?

— Partout.

— Même chez madame ?

Le garde s’inclina avec une politesse exquise.

— Même chez madame, répondit-il.

— Même chez moi ? continua mon père.

— Même chez vous.

— Dans ma chambre ?

— Dans votre chambre.

— Oh ! c’est trop fort, cela !

— C’est ainsi, monsieur.

Et le garde s’inclina avec la même politesse que la première fois.

Mon père avait bien envie de se débarrasser du garde de la connétablie comme il s’était débarrassé du mousquetaire ; mais toutes les réponses et même les injonctions que nous venons de rapporter lui avaient été faites avec une telle courtoisie, qu’il n’y avait pas moyen de se fâcher.

Mon père reconduisit la dame jusqu’à sa porte, la salua aussi respectueusement que le garde de la connétablie l’avait salué lui-même, et ramena chez lui le délégué de MM. les maréchaux de France.