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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

lettre que je lui avais écrite en votre faveur. Il m’annonce, avec regret, que vous ne pouvez obtenir aucune pension ; que la loi du 8 floréal an xi ne permet d’en accorder qu’aux veuves de militaires tués dans les combats ou morts dans les six mois des blessures qu’ils y ont reçues, et que le général Dumas n’était point en activité de service au moment de son décès. Il ne vous reste donc, madame, d’autre moyen de réussir que celui de vous présenter vous-même à Sa Majesté l’empereur et de solliciter ses bienfaits.

« J’ai l’honneur de vous saluer, madame, avec la plus parfaite considération.

» Le maréchal Jourdan. »

C’était un moyen, en effet. Ma mère partit pour Paris, afin de se présenter elle-même à Sa Majesté l’empereur et de solliciter ses bienfaits. Mais Sa Majesté l’empereur lui refusa l’audience qu’elle demandait, et elle revint à Villers-Cotterets plus pauvre de l’argent qu’elle avait dépensé dans son voyage.

Sire, vous êtes peut-être Annibal, vous êtes peut-être César, vous êtes peut-être Octave ; la postérité, qui n’est pas encore venue pour vous, où qui peut-être est venue trop tôt, en décidera ; mais, à coup sûr, vous n’êtes pas Auguste ! Auguste plaidait lui-même pour le vieux soldat qui avait servi sous lui à Actium, et vous, vous condamniez à la misère la veuve de celui qui avait servi non-seulement sous vous, mais encore avec vous !

J’ai dit qu’à votre défaut restait Dieu, sire. Voyons ce que Dieu fit de la pauvre famille abandonnée.