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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

cette apparition, je m’enfuis dans ma chambre, me fourrai dans mon lit tout habillé, et tirai les couvertures par-dessus ma tête.

Le lendemain, j’appris que la cause de mon effroi était l’illustre madame de Genlis, qui, en venant faire une visite à madame Collard, sa fille, avait été perdue par son cocher dans la forêt de Viilers-Cotterets, et s’y était, dans sa terreur profonde des revenants, laissé prendre d’une panique dont elle n’était pas encore remise, quoiqu’elle m’en eût communiqué la meilleure partie.

Ce fut dans ces trois maisons que s’écoula la première partie de mon enfance, première partie tout émaillée de riants souvenirs, parce qu’elle est douce et franche comme toutes les aurores.

En effet, à part la figure rébarbative de M. Deviolaine, et les apparitions fantastiques de madame de Genlis, tout était souriant dans ces deux maisons. Les jardins étaient pleins d’arbres verts et de fleurs aux couleurs brillantes ; les allées étaient pleines de jeunes filles blondes et brunes, têtes gracieuses et souriantes, presque toutes roses et fraîches, au moins, quand elles n’étaient pas jolies.

Puis, de temps en temps, apparaissait, au milieu de cette rieuse et juvénile génération, quelque femme dont la réputation de beauté datait du siècle qui venait de s’éteindre, et qui, ayant conservé quelque chose des modes du Directoire, semblait, au milieu des efflorescences printanières, quelque splendide statue de l’Été.

Ces femmes, c’étaient madame de Valence, madame Menin ou madame Dusauloy.

J’ai parlé plus haut de la princesse Pauline Borghèse, et j’ai dit les souvenirs qu’elle avait laissés dans mon esprit.

Revenons à moi.