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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

leur ennemi ; car ils ne s’y trompent pas et reconnaissent ce cri pour un cri de douleur.

Mais, cette fois encore, ils sont punis pour n’avoir pas pardonné à leur ennemi, et les gluaux font justice de leur mauvais cœur.

L’efficacité du troisième moyen dépend entièrement de la faculté plus ou moins grande accordée par la nature au chasseur de filer, à l’aide d’un brin de chiendent ou d’un morceau de taffetas, certains sons imitant le chant des oiseaux. Le musicien doué de cette imitation n’a plus besoin ni de geai ni de hibou ; il se met dans sa hutte, contrefait le cri de détresse des différents oiseaux qu’il veut prendre, et tous les oiseaux de même espèce qui sont dans les environs accourent à cet appel.

Mais, il faut le dire, parmi les pipeurs, et j’en ai connu beaucoup, peu arrivaient à ce degré de perfection.

Eh bien, Boudoux, qui ne parlait aucune langue morte, et qui, parmi les langues vivantes, ne parlait que la sienne, et encore assez mal, Boudoux était, à l’endroit des oiseaux, le premier philologue, je ne dirai pas de la forêt de Viilers-Cotterets, mais encore, j’ose l’assurer, de toutes les forêts du monde.

Il n’y avait pas une langue, pas un jargon, pas un patois ornithologique qu’il ne parlât, depuis la langue du corbeau jusqu’à celle du roitelet.

Aussi, comme Boudoux méprisait ceux de ses confrères qui se servaient du brin d’herbe ou du morceau de taffetas, lui que j’ai vu, en imitant le cri du hibou, forcer le hibou à venir se poser sur son chapeau comme sur le casque de Minerve !

J’allai trouver Boudoux, je m’ouvris à lui, et lui demandai de me cacher pendant deux ou trois jours dans une de ses huttes.

Il va sans dire que Boudoux m’accorda ma demande.

Seulement, comme nous entrions en automne, il me prévint qu’il serait bon que je prisse une couverture, attendu que les nuits commençaient à ne plus être chaudes.