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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le 29, on fusille dans la plaine de Grenelle Mallet, Lahorie et Guidal.

Enfin, on se décide. Pour la première fois, on aura pris inutilement une capitale ; pour la première fois, on battra en retraite après des victoires. La neige qui est tombée le 13 octobre a fixé les irrésolutions du victorieux, à l’orgueil duquel Dieu laisse cette dernière consolation, de pouvoir dire qu’il a été vaincu, non par les hommes, mais par le climat.

Le 19 octobre, Napoléon quitte Moscou en laissant au duc de Trévise l’ordre de faire sauter le Kremlin, et en emportant la croix du grand Yvan, qu’il destine au dôme des Invalides, et qu’il laissera sur sa route, faute de bras pour la porter plus loin.

Enfin, le 18 novembre, Napoléon arrive aux Tuileries, à onze heures du soir, s’approche d’un grand feu, se réchauffe, se frotte les mains et s’écrie :

— Décidément, il fait meilleur ici qu’à Moscou.

Ce fut l’oraison funèbre de la plus belle armée qui ait jamais existé.

Ô Varus !… Varus !…


XXVIII


Chronologie politique. — Malheurs sur malheurs. — Incendie de la ferme de Noue. — Mort de Stanislas Picot. — La cachette aux louis d’or. — Les Cosaques. — Le haricot de mouton.

Au milieu des deux années qui vont s’écouler, au milieu des grands événements qui se succèdent, ce serait en vérité une fatuité par trop grande que d’occuper le public des faits et gestes d’un gamin de douze ans.

La pente sur laquelle a roulé l’homme de la destinée a été rapide ; un instant, il s’est retenu aux victoires de Lutzen, de Bautzen et de Wurschen ; mais il a laissé sur sa route deux de ses plus fidèles lieutenants, le duc d’Istrie et Duroc. — Il n’y a pas de danger que les boulets frappent ceux qui doivent le trahir.