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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

amener le parlementaire et ordonne qu’on lui débande les yeux.

Le parlementaire, qui ne savait pas à qui il avait affaire, s’étonne en voyant un état-major, là où il ne croyait trouver que quelques officiers ; il n’en remplit pas moins sa mission.

— Mais, malheureux ! lui dit Bonaparte quand il a fini, mais vous ne savez donc ni qui je suis, ni où vous êtes ? Je suis le général en chef Bonaparte, et vous êtes tombé, vous et vos quatre mille hommes, au milieu de mon armée ; allez donc dire à ceux qui vous envoient que je leur donne cinq minutes pour se rendre, ou que je les ferai tous passer au fil de l’épée pour les punir de l’insulte qu’ils osent me faire.

Un quart d’heure après, les quatre mille hommes avaient mis bas les armes.

À la nuit tombante, Bonaparte était à Castiglione.

Le lendemain, Wurmser était battu et laissait deux mille hommes sur le champ de bataille, où nos soldats harassés de fatigue couchaient pêle-mêle avec les morts.

En cinq jours, Bonaparte, avec trente mille hommes, venait d’en battre soixante mille ; Würmser avait perdu vingt mille hommes tués, blessés ou prisonniers. Il avait repris la route de Rivoli entre l’Adige et le lac de Garda pour rentrer dans le Tyrol.

Bonaparte réunit vingt-huit mille hommes, se lance à la poursuite de Wurmser, qui, en ralliant Quasdanovitch, en aura encore quarante mille ; il gagne la bataille de Roveredo, entre à Trente, la capitale du Tyrol, laisse Vaubois à la garde de Trente, se jette dans les gorges du Tyrol à la poursuite de Wurmser ; avec dix-huit mille hommes, il en chasse devant lui trente mille, fait vingt lieues en deux jours, rejoint Wurmser sur les bords de la Brenta, lui livre là bataille de Bassano, lui fait quatre mille prisonniers, lui prend tout son matériel, l’accule sur l’Adige, et ne lui laisse d’autre ressource que d’aller, avec les quatorze mille hommes qui demeurent encore près de lui, demander un abri aux murs de Mantoue, qu’il était venu pont débloquer avec soixante mille hommes.