— Allez faire former les troupes en trois colonnes, lui dit-il, et, quand cela sera fait, venez m’en rendre compte.
Dermoncourt sortit. Alors, s’adressant à mon père, qui s’apprêtait à rentrer dans sa chambre :
— Restez, général ; j’ai dû vous dire ce que je vous ai dit devant votre aide de camp ; que diable ! quand on écrit des lettres pareilles à son supérieur, on les écrit soi-même, au moins ; et on ne les dicte pas à un secrétaire. Ne parlons plus de cela. Quels sont vos commandants ici ?
— Mais, général, répondit mon père, la première colonne, composée de la 57e demi-brigade, a son chef naturel, c’est Victor ; la seconde sera commandée par l’adjudant général Raimbaud, notre chef d’état-major ; la troisième par le colonel Moreau, commandant la 11e demi-brigade.
— C’est bon. Où est Victor ?
— Oh ! il n’est pas loin, dit mon père ; écoutez, et vous l’entendrez ronfler.
— Allez l’éveiller.
Mon père passa dans la chambre à côté et secoua Victor, qui ne voulait pas à toute force ouvrir les yeux.
— Mais, sacrebleu ! lui dit mon père, éveille-toi donc !
— Que diable me veux-tu ? demanda celui-ci en grommelant.
— Je veux te faire général de division.
— Moi ?
— Oui, Bonaparte est là, et te donne le commandement d’une colonne à la bataille de demain.
— Ah ! morbleu !
Victor se secoua et accourut.
Dermoncourt rentrait en même temps.
— Eh bien ? demanda Bonaparte.
— Vos ordres sont exécutés, général.
— Bien ! Maintenant, va voir aux environs de la Favorite dans quelle position est l’ennemi.
Dermoncourt partit.
Il était huit heures du soir, nos troupes occupaient la Favorite. Dermoncourt dépassa les avant-postes, et, s’aventurant