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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/123

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

venir, si honorable pour tout Français, qu’il mérite d’être rangé parmi nos souvenirs nationaux, menacerait de disparaître avec la génération de vieillards qui s’éteint, si nous ne connaissions un homme au cœur artiste, noble et grand, qui ne laissera rien oublier, nous l’espérons, de ce qui est honorable pour lui et pour la France.

» Cet homme, c’est vous, monseigneur Ferdinand d’Orléans. vous qui, après avoir été notre camarade de collège, serez aussi notre roi ; vous qui, du trône où vous monterez un jour, toucherez, d’une main, à la vieille monarchie, de l’autre, à la jeune république ; vous qui hériterez des galeries où sont renfermées les batailles de Taillebourg et de Fleurus, de Bouvines et d’Aboukir, d’Azincourt et de Marengo ; vous qui n’ignorez pas que les fleurs de lis de Louis XIV sont les fers de lance de Clovis ; vous qui savez si bien que toutes les gloires d’un pays sont des gloires, quel que soit le temps qui les a vues naître, et le soleil qui les a fait fleurir ; vous, enfin, qui, de votre bandeau royal, pourrez lier deux mille ans de souvenirs, et en faire le faisceau consulaire des licteurs qui marcheront devant vous !

» Alors, il sera beau à vous, monseigneur, de vous rappeler ce petit port isolé où, passager battu par la mer de l’exil, matelot poussé par le vent de la proscription, votre père a trouvé un si noble abri contre la tempête ; il sera grand à vous, monseigneur, d’ordonner que le toit hospitalier se relève pour l’hospitalité, et, sur la place même où croule l’ancien édifice, d’en élever un nouveau destiné à recevoir tout fils de proscrit qui viendrait, le bâton de l’exil à la main, frapper à ses portes comme votre père y est venu, et, cela, quelles que soient son opinion et sa patrie ; qu’il soit menacé par la colère des peuples, ou poursuivi par la haine des rois ; — car, monseigneur, l’avenir, serein et azuré pour la France, qui a accompli son œuvre révolutionnaire, est gros de tempêtes pour le monde ! nous avons tant semé de liberté dans nos courses à travers l’Europe, que la voilà qui, de tous côtés, sort de terre, comme les épis au mois de mai ; si bien qu’il ne faut qu’un rayon de notre soleil pour mûrir les plus