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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/216

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

droits, un exemple sur un ouvrage et un écrivain, certes, le choix de l’ouvrage serait singulier, il faut en convenir, mais le choix de l’écrivain ne le serait pas moins. Et, en effet, quel est l’homme auquel ce pouvoir myope s’attaque si étrangement ? C’est un écrivain ainsi placé que, si son talent peut être contesté de tous, son caractère ne l’est de personne. C’est un honnête homme avéré, prouvé et constaté, chose rare et vénérable en ce temps-ci. C’est un poète que cette même licence des théâtres révolterait et indignerait tout le premier ; qui, il y a dix-huit mois, sur le bruit que l’inquisition des théâtres allait être illégalement rétablie, est allé de sa personne, en compagnie de plusieurs auteurs dramatiques, avertir le ministre qu’il eût à se garder d’une pareille mesure ; et qui, là, a réclamé hautement une loi répressive des excès du théâtre, tout en protestant contre la censure avec des paroles sévères que le ministre, à coup sûr, n’a pas oubliées. C’est un artiste dévoué à l’art, qui n’a jamais cherché le succès par de pauvres moyens, qui s’est habitué toute sa vie à regarder le public fixement en face. C’est un homme sincère et modéré, qui a déjà livré plus d’un combat pour toute liberté et contre tout arbitraire ; qui, en 1829, dans la dernière année de la Restauration, a repoussé tout ce que le gouvernement d’alors lui offrait pour le dédommager de l’interdit lancé sur Marion Delorme, et qui, un an plus tard, en 1830, la révolution de juillet étant faite, a refusé, malgré tous les conseils de son intérêt matériel, de laisser représenter cette même Marion Delorme, tant qu’elle pourrait être une occasion d’attaque et d’insulte contre le roi tombé, qui l’avait proscrite ; conduite bien simple, sans doute, que tout homme d’honneur eût tenue à sa place, mais qui aurait peut-être dû le rendre inviolable désormais à toute censure, et à propos de laquelle il écrivait, lui, en août 1831 : « Les succès de scandale cherché et d’allusions politiques ne lui sourient guère, il l’avoue. Ces succès valent peu et durent peu. Et puis c’est précisément quand il n’y a plus de censure qu’il faut que les auteurs se censurent eux-mêmes, honnêtement, consciencieusement. C’est ainsi qu’ils place-