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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

nations n’ont pas sur le trône un d’Orléans pour les étouffer.

C’était un programme bien autrement précis que celui de l’hôtel de ville.

Aussi, M. Arago, se levant :

— Sire, dit-il, après de pareils principes exprimés devant moi, ne comptez jamais sur mon concours !

— Comment entendez-vous cela, monsieur Arago ?

— C’est-à-dire que jamais, à aucun titre, je ne servirai un roi qui enchaînera le progrès ; car, pour moi, le progrès n’est rien autre chose que la Révolution bien dirigée.

— Ni moi non plus, sire, dit Odilon Barrot. Mais le roi, le touchant du genou :

— Monsieur Barrot, dit-il, souvenez-vous que je n’accepte pas votre renonciation.

En effet, le 24 février 1848, à sept heures du matin, M. Barrot fut nommé ministre. Il est vrai qu’à midi il ne l’était plus ! cette révolution que lé roi s’était vanté d’étouffer l’emportait comme l’ouragan fait d’une feuille morte.

Les trois députés se levèrent.

Comme il n’y avait rien à faire, il n’y avait rien à dire.

Le bruit dû canon accompagna leur retour à l’hôtel Laffitte.

Nous avons raconté, ou plutôt un enfant de quatorze ans, témoin oculaire, a raconté là fin de la terrible scène.

Un de nos amis, Étienne Arago, tandis que son frère était chez le roi, était, lui, parmi les républicains.

Nous l’avons vu : partant avec Howelt ; le soir même, me sachant malade, voici ce qu’il m’écrivait :


« Mon cher Dumas,

» Tout est fini, pour aujourd’hui du moins. Les hommes du cloître Saint-Merri sont tombés, mais comme ils devaient tomber, en héros.

» En deux mots, voici ce qui s’est passé sous nos yeux :

» Nous sommes partis, comme tu sais, avec Howelt ; nous avons suivi les boulevards, nous avons pris la rue du Petit-Carreau.