Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
63
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

pierre, déjà ébranlée par le poids de ceux qui le précédaient, et s’en était servi comme d’un point d’appui.

» La pierre s’était détachée ; en même temps, les branches auxquelles il s’accrochait, n’étant point assez fortes pour soutenir seules le poids de son corps, s’étaient brisées entre ses mains.

» — Retenez-le ! s’écrièrent les guides.

» Nais c’était, chose plus facile à dire, qu’à faire : chacun avait déjà grand’peine à se retenir soi-même. Aussi passa-t-il en roulant près de nous tous, sans qu’un seul pût l’arrêter ; nous le croyions perdu, et, la sueur de l’effroi au front, nous le suivions des yeux en haletant, lorsqu’il se trouva assez près de Montaigu, le dernier de nous tous, pour que celui-ci pût, en étendant la main, le saisir aux cheveux. Un moment, il y eut doute si tous deux ne tomberaient pas ; ce moment fut court, mais il fut terrible, et je réponds qu’aucun de ceux : qui étaient là n’oubliera de longtemps la seconde où il vit ces deux hommes, oscillant sur un précipice de deux mille pieds de profondeur, ne sachant pas s’ils allaient être précipités, ou. s’ils parviendraient à se rattacher à la terre.

» Nous gagnâmes enfin une petite forêt de sapins qui, sans-’nous rendre le chemin moins rapide, le rendait plus commode, par la facilité que ces arbres nous offraient de nous accrocher à leurs branches ou de nous appuyer à leur tronc. La lisière opposée de cette petite forêt touchait presque la base du rocher nu, dont la forme a fait donner à la montagne le nom qu’elle porte ; des trous creusés irrégulièrement, dans la pierre offrent une espèce d’escalier qui conduit au sommet.

» Deux d’entre nous seulement tentèrent cette dernière escalade, non que le trajet fût plus difficile que celui que nous venions d’accomplir, mais il ne nous promettait pas une vue plus étendue, et celle que nous avions devant les yeux était loin de nous dédommager de nos fatigues et de nos meurtrissures. Nous les laissâmes donc grimper à leur clocher, et nous nous assîmes pour procéder à l’extraction des pierres et des épines. Pendant ce temps, les grimpeurs étaient arrivés au sommet de la montagne, et, comme preuve de