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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/131

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Bobino que l’on faisait enrager, mais non plus à cause de sa maladresse.

On le faisait enrager à cause de sa maîtresse.

Bobino avait une maîtresse… Pourquoi pas ?

Cette maîtresse n’était pas belle… Chacun son goût.

Cette maîtresse était justement la femme qui avait monté sur le marchepied du cabriolet du général Lallemand, et qui lui avait craché au visage.

— Voyons, Niquet, disait M. Deviolaine, vous qui avez une femme grosse et grasse, quel charme trouvez-vous dans cette femme, qui est sèche comme un clou ?

— Monsieur l’inspecteur, c’est pour les jours maigres.

— Si elle était jolie, insistait M. Deviolaine, je comprendrais cela.

— Ah ! monsieur l’inspecteur, vous ne savez pas !…

— Mais des yeux rouges…

— Monsieur l’inspecteur, vous ne savez pas ?…

— Mais des dents noires…

— Monsieur l’inspecteur, qu’est-ce qui fait le mérite des montres de Bréguet ?

— Pardieu ! c’est le mouvement.

— Eh bien, monsieur l’inspecteur, un mouvement Bréguet !… un mouvement à mettre dans un boîtier d’or !

Tout le monde éclata de rire. Je ris comme les autres, quoique je ne comprisse absolument rien à la réponse de Bobino.

J’allais m’approcher de Bobino, et lui demander à lui-même l’explication de sa plaisanterie, lorsque Choron nous fit signe qu’il était temps de se taire.

Nous étions à cinq cents pas de l’endroit où le sanglier était baugé.

À partir de ce moment, pas un chuchotement ne se fit entendre. Alors Choron fit part de son plan à l’inspecteur, lequel nous donna ses ordres à voix basse, et nous allâmes prendre nos places autour de l’enceinte, que Choron, avec son limier qu’il tenait en laisse, s’apprêtait à fouiller.

Je demande bien humblement pardon à mes lecteurs de me servir de tous ces termes de chasse, ni plus ni moins que le