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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/137

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Nous arrivâmes, M. Deviolaine et moi, à l’heure militaire. — Mon beau-frère n’avait pu venir, étant en tournée.

Tout le monde se trouvait au rendez-vous avec la ponctualité de l’obéissance.

Il y avait trois bêtes détournées, deux ragots et une laie.

Il va sans dire que pas un garde ne manqua de demander à Bobino des nouvelles de son sanglier ; mais, à part la queue qu’il avait eu le bon esprit de conserver à sa boutonnière, Bobino n’en avait pas entendu parler.

Il y avait, comme nous l’avons dit, trois sangliers à attaquer : un sur la garderie de Berthelin ; un sur la garderie de Choron ; un sur la garderie de Moinat.

On commençait par celui qui se trouvait le plus proche : c’était un des ragots ; il était détourné par Berthelin.

Avant qu’il sortît de l’enceinte, il fut tué par Mildet, qui, à cinquante pas, lui coula un lingot au beau travers du corps.

On passa au second, qui était sur la garderie de Choron. — C’était à une petite lieue, à peu près, de l’endroit où on avait tué le premier. — Choron, selon son habitude, nous conduisit d’abord à la Maison-Neuve, pour y boire un coup et y manger un morceau ; après quoi, nous nous remîmes en route.

L’enceinte fut forcée. J’étais placé entre M. Deviolaine et ce même François qui avait décoré Bobino ; après François, venait Moinat, et, après Moinat, je ne sais plus qui.

Cette fois, nous avions affaire à la laie.

Choron entra dans le taillis avec son limier ; cinq minutés après, la laie était lancée. Nous l’entendîmes venir comme la première fois, faisant claquer ses mâchoires l’une contre l’autre. M. Deviolaine, à qui elle passa d’abord, lui envoya ses deux coups de fusil sans la toucher. Je lui envoyai le mien ; mais, comme c’était le premier que je tirais, je le manquai aussi ; enfin, François fit feu à son tour, et l’atteignit en plein corps. Aussitôt le sanglier fit un retour à angle droit, et, avec la rapidité de la foudre, fondit sur le tireur. François, qui était assez sûr de lui, l’attendit de pied ferme, et lui envoya son second coup presque à bout portant ; mais, au même instant, au milieu de la fumée que le vent n’avait pas encore eu