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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/143

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Il m’arrivera malheur, lui dit-il, vous verrez, monsieur Deviolaine, il m’arrivera malheur… et cela…

— Et cela ?

— Parce qu’il ne m’a pas pardonné.

— Tu es fou !

— Vous verrez cela.

— Choron !

— Que voulez-vous ! c’est mon idée.

— C’est bien, tais-toi, ou parlons d’autre chose.

— De ce que vous voudrez, mon inspecteur.

— Pourquoi es-tu venu sans armes ?

— Parce que, de ma vie, entendez-vous ? de ma vie, je ne toucherai ni carabine ni fusil.

— Et avec quoi tueras-tu le sanglier, si le sanglier tient aux chiens ?

— Avec quoi je le tuerai ?

Choron tira un couteau de sa poche.

— Je le tuerai avec cela, donc !

M. Deviolaine haussa les épaules.

— Haussez les épaules tant que vous voudrez, monsieur Deviolaine, il en sera comme je vous le dis. Ce sont ces brigands de sangliers qui sont cause que j’ai assassiné mon oncle ! avec mon fusil ou ma carabine, je ne sentais pas que je les tuais, tandis qu’avec mon couteau, c’est autre chose ! D’ailleurs, avec quoi égorge-t-on les cochons ? Avec un couteau. Eh bien, un sanglier, ce n’est pas autre chose qu’un cochon.

— Enfin, dit M. Deviolaine, qui comprenait qu’il n’aurait jamais le dernier mot, puisque tu ne veux entendre à rien, il faut bien te laisser faire.

— Oui, oui, laissez-moi faire, mon inspecteur, et vous verrez !

— En chasse ! en chasse, messieurs ! dit l’inspecteur.

Le sanglier était retourné sur la garderie d’un nommé Lajeunesse. On l’attaqua presque aussitôt, car le rendez-vous n’était pas à plus de cinq cents pas de la bauge.

Mais, cette fois, quoique touché de quatre ou cinq balles,