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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/151

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

doublâmes le pas, et nous arrivâmes au tournant même, d’où l’on découvrait la Maison-Neuve, distante d’un kilomètre à peu près.

Grâce au tapis de neige étendu sur la terre, tous les objets, même ceux qui se trouvaient à une distance assez éloignée, étaient devenus faciles à distinguer. Nous voyions la petite maison blanche, à moitié perdue dans les arbres ; nous voyions une légère colonne de fumée qui, s’échappant de la cheminée, montait en l’air ; nous voyions, enfin, un cheval sans maître, tout sellé et tout bridé, mais nous ne voyions pas Choron.

Seulement, nous entendions les chiens qui hurlaient lamentablement.

Nous nous regardâmes les uns les autres en secouant tristement la tête : notre instinct nous disait qu’il avait dû se passer quelque chose d’étrange, et nous hâtâmes encore le pas.

En approchant, nous ne vîmes rien changer à la perspective.

Arrivés à cent pas de la maison, nous ralentîmes notre marche malgré nous ; nous sentions qu’en étendant la main, nous allions toucher à un malheur.

À cinquante pas de la maison, nous fîmes presque une halte.

— Cependant, dit M. Deviolaine, il faut savoir à quoi s’en tenir.

Et nous avançâmes de nouveau, mais en silence, mais le cœur serré, mais sans prononcer une parole.

En nous voyant approcher, le cheval tendit le cou de notre côté, et, les naseaux fumants, se mit à hennir.

Les chiens s’élançaient contre les barreaux de leurs niches, qu’ils mordaient à belles dents.

À dix pas de la maison, il y avait sur la neige une flaque de sang, et, près de cette flaque de sang, un pistolet déchargé.

Puis, de cette flaque de sang, partait, accompagnant des pas qui rentraient à la maison, une trace sanglante.

Nous appelâmes ; personne ne répondit.

— Entrons, dit l’inspecteur.

Nous entrâmes, et nous trouvâmes Choron étendu à terre