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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/158

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

avec une écriture en pattes de mouche, une signature illisible, et un parafe gigantesque au bout.

Le second était un garçon de mon âge, à peu près. Il était gras, il était jaune ; il avait le nez pointu. Il étudia dix ans pour être notaire, et finit par être garde forestier.

Je n’ai jamais entendu dire qu’il se fût élevé au-dessus du grade de simple garde, quoiqu’il eût de puissantes protections dans l’administration forestière, et trois ou quatre mille livres de rente, du chef de sa mère.

Il se nommait Cousin.

L’apprentissage du notariat me fut assez doux. C’était un bon diable, au fond, que M. Mennesson, pourvu qu’on ne dit pas devant lui de bien des prêtres, et qu’on ne fît pas l’éloge des Bourbons.

Dans le cas contraire, son petit œil gris s’enflammait. Il empoignait un Ancien Testament ou une histoire de France, ouvrait l’Ancien Testament au livre d’Ézéchiel, l’histoire de France au règne de Henri III, et commentait l’un et l’autre à la manière du Citateur de Pigault-Lebrun.

J’ai dit que j’étais entré chez M. Mennesson comme saute-ruisseau ; le titre m’avait d’abord humilié ; mais je vis bientôt que j’étais chargé, au contraire, du côté agréable de la profession clerc de notaire.

M. Mennesson faisait beaucoup d’actes pour les paysans des villages environnants. Quand les paysans ne pouvaient pas se déranger, c’était moi qui recevais la mission d’aller leur faire signer les actes à domicile. Prévenu la veille de la course que j’avais à faire le lendemain, je prenais mes mesures en conséquence. Si c’était au temps de la chasse, j’avais un excellent compagnon de route, mon fusil : si la chasse était fermée, j’allais, dès, le soir, tendre toutes les marettes qui gisaient sur ma route.

Dans le premier cas, il était bien rare que je ne rapportasse pas un lièvre ou une couple de lapins ; dans le second, une demi-douzaine de grives, de merles ou de geais, et une vingtaine de rouges-gorges et autres petits oiseaux.

Un jour, mon patron m’avertit que j’irais le lendemain à