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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/197

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résolut, dis-je, de se faire un costume en tout point pareil à celui que portait le jeune homme qui, par une fatalité du destin, paraissait appelé à devenir son rival.

» Le point le plus important, et surtout le plus coûteux du costume, c’étaient les bottes. Ce fut celui dont il s’occupa le premier.

» De l’autre côté de la place qu’habitait la mère de Samud ; et qu’on appelait la place de la Fontaine, était le magasin du premier bottier de la ville ; il chaussait d’habitude l’écolier, mais ne lui avait encore fait que des souliers ; son jeune âge n’ayant donné à personne, pas même à lui, l’idée qu’il pût, sans risquer une trop grande ressemblance avec le vénérable chat botté de Perrault, porter une autre chaussure que des souliers ou des espardilles.

» Maître Laudercau[1] fut donc fort étonné quand son client se présenta chez lui, et lui demanda résolument combien lui coûterait une paire de bottes.

» Il regarda Samud à deux fois.

» — Une paire de bottes, lui demanda-t-il, et pour qui ?…

» — Mais pour moi ! répondit fièrement l’écolier.

» — Et avez-vous l’autorisation de votre mère, pour demander des bottes ?

» — Je l’aurai.

» Le bottier secoua la tête avec un air de doute ; il savait que la mère de Samud n’était pas riche, et que ce serait une folie à elle que de passer une pareille folie à son fils.

» — C’est cher, des bottes ! dit-il.

» — N’importe, dites toujours le prix.

» — Pour vous, ce sera quatre douros, tout au juste.

» — Bien… Prenez-moi la mesure.

» — Je vous ai dit que je ne ferais rien sans l’autorisation de votre mère.

» — Je vous l’enverrai.

  1. Cette fois, le narrateur ne se donnait plus la peine d’anagrammer le nom.