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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/216

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

retiraient au fond, nous abandonnant les deux premières pièces dont nous nous emparions ; puis, éclairés seulement par une lampe brûlant dans la troisième, et à la hauteur de laquelle la mère de Louise brodait, tandis que la tante lisait l’Imitation de Jésus-Christ ou le Parfait Chrétien, nous causions, serrés les uns contre les autres, presque toujours à deux sur une seule chaise, nous répétant ce que nous nous étions dit la veille, mais trouvant ce que nous disions toujours nouveau.

À dix heures, la soirée était interrompue ; chacun reconduisait chez elle la jeune fille dont il s’était fait le serviteur. Arrivée à la porte de la maison, elle accordait encore à son cavalier une demi-heure, une heure parfois, aussi douce pour elle que pour lui, assis tous deux sur le banc qui avoisinait cette porte, ou debout dans l’allée même qui conduisait à la chambre maternelle, dont on entendait, de temps en temps, sortir une voix grondeuse qui appelait, et à laquelle on répondait dix fois, avant que d’obéir : « Me voilà, maman. »

Le dimanche, on se réunissait à trois heures, c’est-à-dire après vêpres ; on se promenait, on dansait, on valsait, on ne rentrait qu’à minuit.

Puis il y avait les fêtes des villages voisins, — moins élégantes, moins fashionables, moins aristocratiques certainement que celles de Villers-Cotterets, — où on allait par troupes joyeuses, et desquelles on revenait par couples espacés et silencieux.

À l’une de ces fêtes, je rencontrai un jeune homme d’un an moins que moi.

Je demande la permission de parler de lui avec quelques détails, car il a eu une immense influence sur ma vie.