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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/230

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Ma foi, très-beau !

— Tant mieux !

— Et vous allez le donner à Louise ?

— Oh ! non, je n’oserais pas. Je l’écrirai sur son album sans lui rien dire, et, en le feuilletant, elle trouvera mes vers.

— Bravo !

— Et vous, que ferez-vous ?

— À propos de quoi ?

— À propos de ce mariage.

— Oh ! moi, comme je ne me sens point capable de faire un quatrain de la force du vôtre, je lui dirai : « Tu vas donc te marier avec un Russe, ma pauvre Louise ? Tu as bien tort, va ! »

— Je ne crois pas, dit Adolphe, que cela fasse l’effet de mon quatrain.

— Je ne crois pas non plus ; mais enfin, que voulez-vous ! chacun se sert de ses armes. Ah ! si le Russe voulait se battre avec moi au fusil, je suis bien sûr qu’il n’épouserait pas Louise.

— Vous êtes donc chasseur ?

— Un peu. Comment voulez-vous qu’on ne soit pas chasseur au milieu d’une pareille forêt ? Eh ! tenez, une poule d’eau !

Et je lui montrai du doigt, en la mettant en joue avec ma canne, une poule d’eau qui nageait dans les roseaux de l’étang.

— Pan !

— C’est une poule d’eau, cela ?

— Mais oui. D’où venez-vous donc, que vous ne connaissez pas une poule d’eau ?

— Je viens de Bruxelles.

— Je vous croyais Parisien.

— Je suis né à Paris, en effet ; mais, en 1815, nous avons quitté Paris, et nous avons été habiter Bruxelles, où nous étions depuis trois ans, quand on nous a forcés d’en sortir, mon père et moi.

— Et qui vous a forcés d’en sortir ?

— Mais Guillaume !