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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/231

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Qu’est-ce que cela, Guillaume ?

— Qu’est-ce que Guillaume ? C’est le roi des Pays-Bas. Vous ne saviez pas que le roi des Pays-Bas s’appelât Guillaume ?

— Ma foi, non.

— Eh bien, il doit vous sembler moins extraordinaire maintenant que je ne sache pas ce que c’est qu’une poule d’eau.

En effet, comme on le voit, nous avions chacun notre ignorance : seulement, la mienne était moins pardonnable que celle de Leuven.

Il grandit d’une seconde coudée dans mon esprit. Non-seulement il était poète, mais encore il avait dans le monde une si grande importance, que le roi Guillaume s’était inquiété de lui et de son père, au point de les mettre tous deux hors de ses États.

— Et maintenant, lui demandai-je, vous demeurez à Villers-Hellon ?

— Oui. M. Collard est un ancien ami de mon père.

— Pour combien de temps y demeurez-vous ?

— Pour tout le temps qu’il plaira aux Bourbons de nous laisser en France.

— Ah çà ! mais vous avez donc quelque chose aussi à démêler avec les Bourbons ?

— Nous avons, dit en souriant Adolphe, quelque chose à démêler avec tous les rois.

Cette phrase, jetée assez majestueusement, acheva de m’étourdir. Par bonheur, à ce moment parut sur le seuil de la ferme toute la nuée rose et blanche de nos belles convives. Deux ou trois chars à bancs attendaient pour les conduire au lieu désigné. Les hommes devaient aller à pied. Le rendez-vous était distant d’un quart de lieue à peine du village.

Une longue table de trente couverts était dressée sous une voûte de feuilles, à dix pas à peine d’une source claire, fraîche, murmurante, qu’on appelle la fontaine aux Princes.

Toutes ces jeunes filles, toutes ces jeunes mères, tous ces petits enfants semblaient des fleurs des bois s’ouvrant à l’air, plein de brises et d’aromes : les unes pâles, et cherchant l’om