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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/233

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tables : son lit était saupoudré de cette substance que vendent les charlatans, et qu’on appelle de la poudre à gratter.

Ceux qui ne connaissent point cette poudre peuvent se rappeler la fameuse scène de Robert Macaire, dans laquelle les deux héros de l’ouvrage trouvent une malle, et, dans cette malle, un nombre infini de petits paquets, contenant une substance inconnue, dont la propriété leur est révélée par le contact.

Au bout de cinq minutes, Adolphe de Leuven se grattait, à lui seul, comme Robert Macaire et Bertrand à la fois.

Nous accordâmes à de Leuven la somme de commisération qui lui était raisonnablement due.

Nous lui donnâmes le conseil de s’épiler de son mieux, de s’envelopper dans le rideau de son lit, et de s’endormir sur un canapé.

Puis nous regagnâmes nos lits à nous, bien convaincus que nous allions les trouver, en tout, pareils à celui d’Adolphe.

Mais nous les découvrîmes inutilement : ils nous apparurent purs de toute préparation du même genre.

Nous nous couchâmes. Au bout de cinq minutes, Hippolyte Leroy poussa des cris aigus.

En s’allongeant, il avait senti au bout de ses pieds un bout de ficelle ; il avait tiré cette ficelle, et, en la tirant, avait dénoué un sac plein de grenouilles. Les grenouilles, rendues à la liberté, s’étaient hâtées de se répandre dans le lit, et c’était le contact de la peau animale avec la peau humaine qui avait fait pousser à Hippolyte le cri susmentionné.

Hippolyte jeta ses couvertures en l’air, et sauta à bas du lit.

Les grenouilles sautèrent après lui. On lui avait fait la mesure bonne ; il y en avait bien deux douzaines.

Je me croyais le seul épargné, lorsque, dans une armoire contre laquelle la tête de mon lit était appuyée, il me sembla entendre un grand mouvement. Mes yeux se portèrent sur la serrure.

Il n’y avait pas de clef.

Cependant, cela ne faisait plus aucun doute pour moi, un