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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/244

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

de la Ponce ! Quelque part que vous soyez, si vous lisez ces lignes, retrouvez-y le témoignage toujours vivant, toujours réel, de mon éternelle amitié.

Car vous avez fait beaucoup pour moi, mon ami. Vous m’avez dit : « Croyez-moi, mon cher enfant, il y a autre chose dans la vie que le plaisir, que l’amour, que la chasse, que la danse et que les folles aspirations de la jeunesse ! Il y a le travail. Apprenez à travailler… c’est apprendre à être heureux. »

Et vous aviez raison, mon ami. Pourquoi, à part la mort de mon père, la mort de ma mère et la mort du duc d’Orléans, pourquoi n’ai-je jamais eu une douleur que je n’aie fait plier sous moi, un chagrin que je n’aie surmonté ? C’est que vous m’aviez fait faire la connaissance du seul ami qui console le jour, qui console la nuit, que l’on a sans cesse près de soi, accourant au premier soupir, vous versant ce baume à la première larme : vous m’avez fait faire la connaissance du travail.

Ô bon et cher Travail, qui emportes dans tes bras puissants ce lourd fardeau de l’humanité qu’on appelle la douleur ! divinité au visage toujours souriant, à la main toujours ouverte et étendue !… ô bon et cher Travail, loi qui ne m’as jamais donné l’ombre d’une déception !… Travail, je te remercie !

De la Ponce parlait, comme sa langue maternelle, l’italien et l’allemand ; il offrit de m’apprendre, dans mes moments perdus, — et Dieu sait si à cette époque j’avais des moments perdus, — il offrit de m’apprendre l’allemand et l’italien.

Nous commençâmes par l’italien. C’était la langue facile ; c’était ce miel dont parle Horace, et dont on dore, pour l’enfant malade, les bords de la tasse au breuvage amer.

Un des livres dans lesquels j’appris l’italien était le beau roman d’Ugo Foscolo, que j’ai traduit depuis sous le titre de Dernières lettres de Jacopo Ortis.

Ce livre me donna une idée, un aperçu, une intuition de la littérature romanesque, qui m’était tout à fait inconnue.

Au bout de deux mois, je parlais assez correctement l’italien, et je commençais à traduire la poésie.

Je préférais de beaucoup cela à mes ventes, à mes contrats