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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/251

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de l’endroit où nous nous trouvions à l’hôtel des Trois-Pucelles, où s’arrêtait la voiture, il aurait l’obligeance de faire cette route à pied, à moins qu’il ne consentît à monter sur l’impériale, où il ne réveillerait personne.

Le monsieur châtain se hissa sur l’impériale sans souffler le mot, et la voiture partit.

Quoique je me trouvasse seul, et par conséquent plus qu’à mon aise dans l’intérieur de la voiture, j’étais trop vivement surexcité par la lutte que je venais de soutenir pour songer à me rendormir. Je pus donc entendre le conducteur qui, dans le cabriolet, racontait mon histoire à mes deux compagnons de route, et qui la leur présentait, selon toute probabilité, sous un aspect plus gai que je ne l’avais envisagée moi-même, car ils éclataient de rire.

Je me demandais ce qu’il y avait de risible dans l’échange de coups de poing auquel je venais de me livrer avec un maniaque, et, comme je ne pouvais me rien répondre de bien satisfaisant, je me promis de m’en faire instruire, aussitôt notre arrivée, par mes compagnons de voyage.

Un quart d’heure après l’installation du monsieur sur l’impériale, et ma réintégration complète dans la voiture, j’entendis, au bruit sourd que faisaient les roues de la voiture, que nous passions sur le pont-levis.

Nous étions arrivés.

Cinq minutes après être descendus de voiture, Paillet et Ronsin m’avaient donné l’explication de leurs éclats de rire : cette explication me parut si outrageante pour moi, qu’à peine l’eus-je reçue, je me mis à la recherche de mon monsieur aux pâtes pectorales : mais j’eus beau fouiller l’impériale dans tous ses coins et recoins, le monsieur avait disparu.

L’aventure produisit un si grand effet sur moi, que j’en demeurai abruti pendant toute la journée.