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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/271

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journal des débats.

(Peau blanche.)
Paris, 6 mars 1815.

Buonaparte s’est évadé de l’île d’Elbe, ou l’imprudente magnanimité des souverains alliés lui avait donné une souveraineté, pour prix de la désolation qu’il avait portée dans leurs États.

Cet homme, qui, en abdiquant le pouvoir, n’a jamais abdiqué son ambition et ses fureurs, cet homme, tout couvert du sang des générations, vient, au bout d’un an, essayer de disputer, au nom de l’usurpation, la légitime autorité du roi de France.

À la tête de quelques centaines d’Italiens et de Polonais, il ose mettre le pied sur une terre qui le repoussa pour jamais.

Quelques pratiques ténébreuses, quelques manœuvres dans l’Italie, excitée par son aveugle beau-frère, ont enflé l’orgueil du lâche guerrier de Fontainebleau.

Il s’expose à mourir de la mort des héros : Dieu permettra qu’il meure de la mort des traîtres.

La terre de France l’a rejeté. Il y revient, la terre de France le dévorera.

Ah ! toutes les classes le repoussent, tous les Français le repoussent avec horreur, et se réfugient dans le sein d’un roi qui nous a apporté la miséricorde, l’amour et l’oubli du passé.
journal de l’empire.

(Peau tricolore.)
Paris, 20 mars 1815

La famille des Bourbons est partie cette nuit… Paris offre l’aspect de la sécurité et de la joie ; les boulevards sont couverts d’une foule immense, impatiente de voir l’armée et le héros qui lui est rendu. Le petit nombre de troupes qu’on avait eu l’espoir insensé de lui opposer s’est rallié aux aigles, et toute la milice française, devenue nationale, marche sous les drapeaux de la gloire et de la patrie. Sa Majesté l’empereur a traversé deux cents lieues de pays avec la rapidité de l’éclair, au milieu d’une population saisie d’admiration et de respect, pleine du bonheur présent et de la certitude du bonheur à venir.

Ici, des propriétaires se félicitant de la garantie réelle que leur assure ce retour miraculeux ; là, des hommes bénissant l’événement inespéré qui fixe irrévocablement la liberté des cultes ; plus loin, de braves militaires pleurant de joie de revoir leur ancien général ; des plébéiens, convaincus que l’honneur et les vertus seront redevenus le premier titre de la noblesse, et qu’on acquerra, dans toutes les carrières, la splendeur et la gloire pour les services rendus à la patrie.

Tel est le tableau qu’offrait cette marche ou plutôt cette course triomphale, dans laquelle l’empereur